Les clés de la finance : s’informer, se former
L’éducation financière est définie par l’OCDE comme une « combinaison de conscience financière, de connaissance, d’habileté, d‘attitudes et comportements nécessaires pour prendre les bonnes décisions financières et finalement arriver à un bien-être financier individuel ». Retour sur l’importance du sujet.
Sophie de Brosses
Conseil en Investissements financiers, La Finance humaniste La gestion de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a engendré une précarité économique pour les uns et un surcroît d’épargne de près de 160 milliards pour les autres sur 2020/2021. Les placements garantis compensent juste l’inflation, mais ce sont précisément ceux auxquels les Français sont les plus attachés, peut-être par peur de l’inconnu, manque d’information ou de connaissances solides. Que ce soit pour prémunir les plus fragiles contre la pauvreté ou le surendettement, ou pour éviter les écueils de placements hasardeux aux épargnants, une information financière claire s’avère indispensable pour tous. Or, le niveau de connaissance financière reste globalement insuffisant en France malgré une information disponible de qualité. Comment réveiller l’esprit critique des citoyens et les intéresser pour traiter ce problème culturel et social ?
En 2016, l’IFOP a réalisé une enquête qui indiquait que 85 % des Français n’avaient jamais bénéficié d’un enseignement d’éducation budgétaire et financière et que 43 % d’entre eux en ressentaient le besoin. Le rôle des enseignants et des parents est essentiel, mais on peut se demander s’il y a des freins à lever pour parler d’argent en classe ou en famille, au vu du niveau préoccupant des connaissances de la jeunesse.
Pour les plus jeunes, la situation est en effet critique : les statistiques de l’Éducation nationale montrent que le temps d’instruction en cours de science en France n’est que de 113 heures contre 128 heures en moyenne dans l’Union européenne (UE) et les pays de l’OCDE. C’est ainsi qu’avec un score de 485 points en mathématiques, la France est dernière dans les pays de l’UE pour le classement CM1.… et contexte financier
Nous évoluons dans un monde qui est économiquement difficile et financièrement très différent de ce que nous avons connu il y a quelques années.
Comme le public connaîtra un modèle social moins généreux à l’avenir, il lui faudra développer une épargne de long terme pour préparer sa retraite, et investir dans les entreprises qui ont besoin de se développer pour créer la croissance de demain. Il lui faudra se rappeler, surtout en cas de pertes sévères en capital, que ce risque est associé aux investissements.
Le surcroît d’épargne des plus aisés engendre le retour en bourse des particuliers, comme le souligne la publication par l’Autorité des marchés financiers (AMF)[1] de son premier tableau de bord des investisseurs particuliers actifs.
La stratégie digitale en matière d’éducation financière touche un large public, surtout depuis une année de confinement. Des sites Internet marchands ou non marchands donnent des réponses à des questions courantes comme : qu’est-ce qu’une bulle ? Quand faut-il vendre un investissement ? Comment parler d’argent avec les enfants ? Combien mettre de côté chaque mois ? Quand vendre un investissement ? L’épargnant trouvera des informations pour comprendre les intérêts composés, la réduction du risque avec mesure, le rééquilibrage des portefeuilles, et l’épargnant solidaire pourra s’informer sur l’économie circulaire, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), l’investissement socialement responsable (ISR).
En revanche, de fausses informations circulent aussi. L’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) appellent le public à la plus grande vigilance sur les propositions frauduleuses de crédits, de livrets d’épargne, de services de paiements et d’assurances et autres escroqueries aux investissements sur le marché des changes, sur des produits dérivés, sur des crypto-actifs ou sur des biens divers sans y être autorisés. Également, l’ACPR et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) coopèrent pour lutter contre la recrudescence des appels frauduleux aux dons en lien avec le Covid-19.
Pour les personnes à faibles revenus, savoir gérer son budget est une question vitale au quotidien. Dès 2006, l’AMF et la bourse NYSE Euronext ont créé un site Internet www.lafinancepourtous.com comme principal outil de diffusion de l’information.
Pour les jeunes, l’Institut pour l’éducation financière du public (IEFP) est agréé par l’Éducation nationale. Ses fiches accompagnent les classes de terminale Sciences et technologies du management et de la gestion (STMG) option « finance » et pourraient largement être utilisées par toute une classe d’âge.
Pour que toutes les générations puissent s’informer, la Banque de France a édité un magazine réalisé pour le portail « Mes questions d’argent ». Il est conçu de façon ludique et non commerciale sous forme de cahier de vacances par tranche d’âge de 6 à 99 ans.
La Banque de France a aussi lancé un nouveau portail d’éducation budgétaire, économique et financière pour les dirigeants de très petites entreprises (TPE). Ce site pédagogique va les aider à identifier des sources de financement, à comprendre leurs comptes, à apprendre à faire un business plan et à gérer les relations avec leur banque et leurs assurances. Enfin, les conseillers en gestion de patrimoine accompagnent les personnes les plus aisées financièrement sur les fondamentaux en les aidant à formuler leur besoin, hiérarchiser leurs objectifs prioritaires, et y associer les moyens à mettre en œuvre. Il s’agit notamment de rappeler que la limitation du risque se fait à la fois par des versements réguliers et la diversification des actifs dont il faudra comprendre les risques et les opportunités de gain.
Selon Vincent Delahaye, vice-président du Sénat, « Notre législation atteint en matière d’impôt sur le revenu un degré d’inintelligibilité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe »[1]. La notice pour remplir sa déclaration fiscale comprend 36 pages. Faut-il simplifier la loi de finances pour la rendre plus lisible par tous ?
Comme les données financières et fiscales changent chaque année, la formation continue des sachants est une nécessité pour partager auprès de tous des informations de qualité. La réglementation oblige les conseillers en gestion de patrimoine à valider leurs heures annuelles de formation. Ces métiers sont des piliers qui permettent d’accompagner la population. La mission de l’éducation est de former une classe d’âge aux fondamentaux du calcul et du français et de susciter sa curiosité. Dans l’esprit de Descartes, mettre au programme du lycée les sujets financiers permettrait aux élèves d’acquérir les connaissances financières de base pour aborder leur vie future, qu’ils se préparent à une section technologique ou générale. Renforcer l’éducation financière dans le parcours scolaire est donc une nécessité.
Ainsi formé, le particulier peut donner un sens à son épargne, faire ses choix avec un regard éclairé. À l’inverse, le rôle du législateur pourrait être, à défaut de simplifier la vie du citoyen, d’endiguer la complexité croissante du cadre légal qui se retourne contre ceux qui ont le moins de connaissance. Toute refonte en profondeur du système fiscal sera mieux comprise par une population qui a reçu une éducation sur ces sujets. Un pays bien formé devient il un pays réformateur ou réformable ?
Par Sophie de Brosses