LES CONSÉQUENCES DU COVID-19 SUR LE TOURISME SAISONNIER

Qu’elle soit estivale, hivernale ou printanière, chaque saison touristique a été impactée par la crise sanitaire et les mesures prises pour l’endiguer. Bilan de l’impact des confinements sur le tourisme saisonnier.

Il y a déjà de cela un an lorsque le virus SARS-CoV-2 a traversé le continent asiatique de part et d’autre, nous ne pensions pas que l’économie mondiale et le secteur touristique seraient autant impactés. Pour freiner l’expansion rapide de ce virus inconnu, à l’échelle du globe, des millions de personnes se sont vues interdire les voyages internationaux, voire les déplacements interrégionaux, ou même de sortir de chez elles. Isolement, quarantaine, confinement, couvre-feu, ces mesures, inspirées par une démarche salvatrice sur le plan sanitaire – faute de mieux –, avaient pour but de préserver la vie biologique mais se basaient sur une privation temporaire de liberté, avec un effet dévastateur pour toute nation à fort patrimoine touristique, en particulier pour le tourisme saisonnier qui ne travaille que quelques mois par an. À la mer, le tourisme devra à nouveau ramer pour survivre aux restrictions du printemps 2021. À la montagne, les mesures sanitaires ont provoqué l’écroulement de l’activité, malgré un hiver enneigé qui s’annonçait prometteur. Pourtant, les professionnels avaient tout préparé pour redémarrer le plus tôt possible. Quelles sont les conséquences sur ce tourisme saisonnier ? Quelles mesures ont été prises ? Faudra-t-il envisager des dispositifs fiscaux complémentaires pour sortir de l’impasse grâce à l’épargne des Français ? Autant de questions qui se posent aujourd’hui.

RÉTROSPECTIVE D’UN TOURISME À L’ARRÊT COMPLET

Le 31  mars 2021, le président de la République, Emmanuel Macron, restait sur son positionnement sanitaire : « ne jamais transiger sur la santé des Françaises et des Français ». Douze mois plus tôt, le 12 mars 2020, il annonçait le « quoi qu’il en coûte » et martelait quatre jours plus tard « nous sommes en guerre », pour annoncer le premier confinement. Le chef de l’État a parfaitement respecté ses engagements puisqu’il a maintenu les entreprises du secteur fermées, les empêchant de travailler et donc de créer de la richesse. Les autorités ont interdit aux restaurants, salles de spectacles et boîtes de nuit d’ouvrir, sans compter les lieux culturels, théâtres, cinémas, musées, parcs d’exposition et tous les commerces dits non essentiels, également mis à l’arrêt. Il a ensuite maintenu en survie ces entreprises qui ponctionnent sans précédent le budget de ’État.

En mars 2020, les derniers touristes présents sur le territoire le quittent. Un confinement de quatre semaines a occasionné pour beaucoup de Français, enfermés dans leurs demeures, une subite envie d’évasion. Certains citadins ont migré vers les espaces ruraux dotés d’Internet. Paris a été délaissé par ses visiteurs étrangers qui ne sont pas revenus après l’annonce des mesures sanitaires. C’est ainsi que 50 % des hôtels sont restés fermés en juillet 2020, et 25 % supplémentaires au mois d’août. L’absence des touristes, surtout ceux en provenance d’Asie et des États-Unis, s’est donc fortement ressentie.

LE TOURISME LITTORAL « BOIT LA TASSE » DEUX PRINTEMPS D’AFFILÉE

À la mer, le confinement très dur du printemps 2020 ouvre une voie d’eau dans l’exploitation touristique, car seuls les déplacements d’urgence, les emménagements pour résidence principale, et les déplacements de travail sont acceptés. C’est du jamais vu. Dans ces conditions, il est impossible de maintenir un compte d’exploitation au niveau de sa ligne de flottaison. Les annulations s’enchaînent ainsi jusqu’à l’été.

Les restrictions de déplacement d’avril 2021 ont produit des effets identiques. Après le week-end de Pâques, les déplacements interrégionaux sont interdits et les vacances décalées. Les vacanciers annulent une nouvelle fois leurs séjours. L’activité de demi-saison est en berne.

ÉTÉ 2020 : LE TOURISME HISSE LA GRAND-VOILE DU TOP DÉPART

Si les pertes du printemps sont abyssales, l’envie des vacanciers de repartir est telle que l’été 2020 part au sauvetage d’une saison difficile.

Une association d’actions et de mises en garde gouvernementales a œuvré en défaveur des sorties à l’extérieur de nos frontières. De plus, la faculté d’adaptation de la population lui a permis de profiter pleinement des vacances même si elles ne se sont pas déroulées comme prévu initialement. C’est ainsi que la majorité des Français a suivi la principale recommandation du gouvernement « Partez en France ! », lancée dans un ultime espoir de redresser la barre du bateau à la dérive que représente le tourisme français de l’année 2020.

Parasol en guise de lance et crème solaire en guise d’armure, 94 % de nos vacanciers ont pris d’assaut le bord des piscines des stations balnéaires françaises sans se soucier outre mesure de leurs dépenses. 

Le manque de vitamine D créé par le confinement a effacé la peur de la foule et du virus. Si, toutefois, les bilans présentés en conseil des ministres affichent 53  % de partants en 2020, soit environ 13 % de moins que les années précédentes, les modifications des destinations ont permis à l’Hexagone de connaître cet été là une saison touristique estivale quasiment normale. Certaines régions, comme les Landes et le Gers, ont même enregistré des records de fréquentation.

UN HIVER MARQUÉ PAR UNE SAISON BLANCHE

Si la période estivale a pu être sauvée, il n’en est pas de même pour la saison hivernale. Malheureusement pour nos saisonniers basés en montagne, les Français sont beaucoup moins partis glisser sur les pistes enneigées cette année. Les campagnes gouvernementales se sont amplifiées suite à un été plutôt « relâché » vis-à-vis des règles sanitaires établies. Cela n’a pas arrangé le bilan touristique qui s’élève à 20 milliards d’euros de perte pour l’année 2020. D’après le président des Entreprises du voyage, Jean Pierre Mas, cela représente une perte de 70 à 80 % en termes de chiffre d’affaires.

Le 28 octobre 2020, le président de la République jette le froid sur les remontées mécaniques, annonçant un confinement à partir du 29 octobre à minuit. Curieusement, la Chine, pays dans lequel l’épidémie s’est initialement déclenchée, a ouvert ses stations de ski cet hiver. De même, nos voisins suisses ont permis aux skieurs de s’élancer sur les pistes particulièrement enneigées cet hiver. En France, tout était également prêt. Les professionnels de la montagne avaient préparé un protocole sanitaire strict : respect des distances à l’attente des télésièges, généralisation de la réservation électronique des forfaits de ski afin d’éviter les files d’attente au guichet, etc. Il existait aussi des propositions telles que la fermeture des pistes noires les plus accidentogènes, et la réduction de la journée de ski pour éviter que des skieurs fatigués ne fassent une mauvaise chute en rentrant au chalet. Dans les Pyrénées, l’Agence régionale de santé (ARS) a même effectué une campagne de tests dans quatre stations pilotes à titre préventif.

Dans ce genre de sport individuel, on porte des lunettes et des gants, ce qui freine naturellement la contamination. Des cache-cous avaient également été homologués en complément de ces mesures barrières. En l’absence de visibilité, les professionnels, espérant l’ouverture des stations, avaient embauché.

Or, malgré des clauses de revoyure, et les recommandations des maires et des préfets, l’exécutif jacobin n’a pas entendu mettre fin au confinement, qui s’est prolongé pendant l’hiver.

La fermeture générale des remontées mécaniques annoncée en décembre 2020 a bouleversé le rythme établi depuis des années chez les professionnels du milieu. Ce décret national a été perçu comme un « coup de poignard dans le dos » par les travailleurs concernés étant donné que nos voisins européens n’ont pas eu à subir ces restrictions. De fait, s’agissant de la haute saison pour le tourisme de montagne, les pertes de chiffre d’affaires ont été importantes suite à une fréquentation en chute libre.

Le problème ne concerne pas simplement les catégories sociales les plus favorisées de vacanciers. Il entraîne dans la tourmente toute l’économie de la montagne qui se trouve de fait gelée : restaurateurs, hôteliers, résidences, mais aussi équipementiers, magasins de sport, de vêtements, et tous les autres commerces. Cette saison dite blanche succède à une période hivernale où la neige avait brillé par son absence trois années de suite. En dépit des efforts qui seront faits par les professionnels du secteur pour remonter la pente dans les saisons à venir, ils devront redoubler d’effort pour diriger le tourisme hivernal vers ses sommets historiques.

UN INVESTISSEMENT MASSIF EN FAVEUR DE LA RELANCE

Le tourisme représente un secteur d’activité incontournable pour l’économie française avec 56,2 milliards d’euros de recettes et plus de 2 millions d’emplois directs et indirects créés en 2019. Compte tenu de l’importance du secteur, le 4 mai 2020, le comité interministériel du tourisme a fixé différentes aides financières et mesures d’accompagnement pour le relancer.

Les mesures importantes prises ont été les suivantes

  • élaboration et diffusion de protocoles sanitaires pour l’ensemble des activités touristiques afin non seulement de rassurer les voyageurs mais aussi de relancer l’industrie ;
  • ouverture de l’accès au fonds de solidarité pour les hôtels, cafés, restaurants et entreprises du secteur du tourisme et de l’événementiel culturel et sportif jusqu’à la fin de l’année 2020 ;
  • exonération de cotisations sociales pour les TPE et PME du secteur, pendant la période de fermeture, de mars à juin 2020 ;
  • mise en place d’un prêt garanti par l’État (PGE) « saison » avec des conditions plus favorables ;
  • possibilité d’alléger la taxe de séjour touristique et de réduire de deux tiers la cotisation foncière des entreprises du secteur du tourisme.

LES SOLUTIONS POST-CRISE POUR RELANCER LE SECTEUR

La fréquentation exceptionnelle de l’été 2020 s’est traduite dans les chiffres publiés par l’Insee qui démontrent que la saison estivale a été meilleure que les estimations redoutées.

La France a ainsi mieux résisté que d’autres pays. Face à l’Italie, qui affiche en juillet 2020 un taux de fréquentation de 35,5 %, la France au contraire tire son épingle du jeu avec un taux de 50,9 %. Il en est de même face à l’Espagne qui présente un taux de 29,9 %.

Mais voilà plus d’un an que cela dure et la perspective reste encore floue sur le plan de la vaccination. Chaque semaine de retard dans la vaccination coûte 2 milliards d’euros, selon Philippe Martin, président du conseil d’analyse économique.

Le calendrier annoncé le 31 mars 2021 par Emmanuel Macron prévoit des vaccinations échelonnées dans le temps selon les catégories d’âge. Les plus de 70 ans y ont théoriquement accès depuis mars 2021, les plus de 60 ans depuis avril, les plus de 50 ans depuis mai, et les 18/49 ans devraient être concernés d’ici septembre prochain.

Par ailleurs, les professionnels ont les plus grandes difficultés à recruter et à s’approvisionner, compte tenu du manque de visibilité et des annonces ministérielles de dernière minute sur leur réouverture, sans parler du monde de la nuit, fermé depuis plus d’un an maintenant.

Pour la montagne, dont l’économie a été touchée au cœur de l’hiver, l’avalanche de mesures financières devra peut-être s’accompagner de mesures fiscales pour inciter les épargnants à investir aux côtés des acteurs économiques. Rappelons à ce titre que le dispositif Censi-Bouvard, qui permettait à des investisseurs en résidence de tourisme de bénéficier d’une réduction d’impôt de 11 % sur neuf ans et d’une réduction de TVA, et donc d’acheter un appartement neuf avec 20 % de réduction sur le prix affiché, ne s’applique plus au tourisme depuis 2017. Des réductions fiscales adaptées à la rénovation énergétique devraient inciter les épargnants à investir là où l’État n’a plus les moyens de le faire. Après le « quoi qu’il en coûte », il est temps de passer à de l’investissement productif.

Que devraient favoriser les nouveaux dispositifs fiscaux ? Depuis quelques années, le tourisme de montagne ne se résume pas aux sports de glisse. Il monte en gamme, s’étend au bien-être, au spa, aux bons moments passés en famille ou entre amis sur de grandes terrasses au soleil, ou à la piscine. L’émergence de ces nouveaux modes de consommation implique l’aménagement d’espaces plus grands. Or, les résidences les plus anciennes des années 70 à 80 ont été construites aux pieds des pistes sur les plus beaux sites géographiques, tandis que les constructions neuves s’accommodent des derniers espaces disponibles en périphérie. Pour transformer des résidences vieillissantes, c’est au désamiantage qu’il faut faire face, et aux restructurations de studios exigus à transformer en vastes appartements.

Dans le cadre de la transition écologique et du développement de la montagne, une nouvelle loi de défiscalisation dédiée aux rénovations lourdes pourrait apporter une réponse adaptée aux enjeux touristiques de long terme tout en utilisant la manne accumulée pendant un an par les épargnants.

Enfin, sur ces résidences de tourisme, certains gestionnaires ne paient plus leurs loyers commerciaux aux propriétaires pour cause de crise Covid. Or, en cas d’ardoise de loyer, un propriétaire peut viser la clause résolutoire du bail pour récupérer son bien.

Si la réalité économique est là, il n’est pas sain de risquer la confiance des propriétaires qui ont supporté le poids de l’investissement, parfois pendant de nombreuses années. Une jurisprudence qui deviendrait favorable aux gestionnaires dans le cadre des baux commerciaux tuerait dans l’œuf une loi fiscale destinée à relancer le secteur. Les exploitants ont donc tout intérêt à se mettre à jour de leurs ardoises, et répondre présents lorsque la reprise sera là.

Dans une démarche de maintien des emplois non délocalisables, le renouvellement du tourisme est aussi une opportunité de transformer ce dernier. Entamer un processus de numérisation, de durabilité et d’innovation permettra aux voyageurs de différents horizons de renouer avec la découverte et le partage des cultures auxquelles ils aspirent.

Si les vacanciers sont aussi désireux de prendre l’air en 2021 que l’an dernier, et si la propagation du virus est maîtrisée, le secteur du tourisme saisonnier devrait enfin repartir vers le grand large.

Par Sophie de Brosses.