La possible suppression de l'ISF inquiète les associations

En cas d’alternance en 2017, l’ISF pourrait disparaître. De quoi alarmer les fondations qui reçoivent chaque année environ 200 millions d’euros de dons bénéficiant d’une réduction d’ISF.

La primaire à droite provoque des sueurs froides dans le monde associatif. Les principaux prétendants UMP, François Fillon, Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy, ont en effet tous inscrit en bonne place dans leur programme la suppression de l’ISF. Une proposition qui résonne douloureusement aux oreilles des fondations d’utilité publique qui perçoivent chaque année environ 200 millions d’euros de dons de la part des assujetis à l’ISF, en contrepartie d’une déduction de 75 % des sommes versées.

Au regard des 2,1 milliards de dons bénéficiant de la déduction au titre de l’impôt sur le revenu, la manne venant de l’ISF peut paraître modeste. Mais elle représente en moyenne 20 % à 25 % du total des dons récoltés pour les quelques centaines de fondation reconnues d’utilité publique, seules habilitées à percevoir les dons ISF. Or, selon un récent sondage réalisé pour les Apprentis d’Auteuil, le mécanisme de déduction est jugé « déterminant » par plus de la moitié de ceux qui l’utilisent. Et même par deux tiers des « gros donateurs », ceux dont les chèques dépassent 1 000 €.

« La disparition des dons ISF est un risque majeur pour les fondations déjà aux prises avec une baisse des subventions », souligne Sophie de Brosses, présidente de La Finance humaniste, un cabinet de conseil aux donateurs et aux associations. Bien sûr, les foyers les plus aisés pourront toujours donner, en déduisant 66 % des sommes versées de leur impôt sur le revenu. Mais les spécialistes savent bien que les deux mécanismes ne sont pas identiques.

La déduction pour les dons ISF répond souvent à une motivation particulière. Les contributeurs donnent par générosité, bien sûr, mais aussi pour limiter un impôt parfois vécu comme une punition. « Ils préfèrent donner en choisissant une cause, même si cela leur coûte un peu plus cher, plutôt que de payer l’ISF », explique Max Thillaye du Boullay, en charge de la philanthropie aux Apprentis d’Auteuil.

Certains redevables vont ainsi verser exactement la somme nécessaire pour annuler leur impôt. D’autres donnent tout ce qui est possible. « Lorsqu’on reçoit un chèque de 66 666 €, c’est-à-dire calibré pile poil sur la réduction maximum de 50 000 € d’ISF, la motivation du donateur ne fait guère de doute », sourit Frédéric Théret, directeur du développement de la Fondation de France.

Les dons de ce montant, correspondant à un patrimoine taxable de 6,2 millions d’euros, rappellent que les donateurs ISF ont la particularité d’être bien plus prodigues que la moyenne des Français. « Des gens qui versaient régulièrement des petites sommes se sont mis à donner d’un coup 3 000 € avec l’ISF. D’autres se sont engagés pour des montants encore plus importants ou ont créé leur propre fondation (lire p. 18-19). Cela a fait émerger une nouvelle génération de philanthropes », note Max Thillaye du Boullay.

Avec la fin de l’ISF, ce vivier de gros donateurs risque fort de s’assécher. Pour conjurer le péril, les associations se disent déjà prêtes à se mobiliser. « Dès que nous connaîtrons le vainqueur de la primaire, nous irons le voir, prévient Françoise Sampermans, présidente de France générosités. Nous lui rappellerons que si les dons ISF disparaissent, certains organismes devront arrêter un quart de leurs activités sociales, licencier 25 % de leur personnel. Qui peut prendre cette responsabilité alors que les besoins n’ont jamais été aussi grands ? »

À tout le moins, le secteur associatif demande que l’éventuelle disparition de l’ISF s’accompagne de nouvelles mesures fiscales encourageant la générosité. Un arsenal délicat à imaginer. Transférer la déduction de 75 % à l’impôt sur le revenu pour les seules fondations d’utilité publique ferait grincer les dents de toutes les autres associations. L’étendre à tout le monde associatif paraît financièrement peu réaliste.

Fondations et experts fiscalistes cherchent donc des solutions nouvelles. Certains imaginent ainsi de permettre aux très grandes fortunes de puiser plus librement dans la part normalement réservée à leurs héritiers. « Pourquoi quelqu’un qui a 10 milliards d’euros ne pourrait par exemple en donner huit. Avec les deux milliards restants, les héritiers seront de toute façon à l’abri pour quelques générations », explique l’avocat Xavier Delsol, spécialiste du conseil aux organisations non lucratives.

Le possible choc de l’ISF est d’autant plus inquiétant qu’il se conjugue avec l’incertitude générée par la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement a beau assurer que la déduction des dons de 2017 sera reportée sur 2018, rien ne dit que les contribuables se montreront aussi généreux. « Tout cela fait beaucoup d’incertitude », s’alarme Frédéric Théret. Au point que le directeur du développement de la Fondation de France redoute de voir 2017 se transformer en « annus horribilis en matière de dons ».